Œil de DOM
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Imagination 3-2020, le thème est donné par moi-même...

mercredi 12 février 2020, par Dominique Villy

Photo : Voir plus bas
Mots : manivelle, ribambelle, asphodèle, tire d’aile, cruel...

Mon texte :

Les coureurs.
Eux, ce sont les forçats de l’asphalte. Les esclaves modernes. Les sacrifiés, offerts en pâture à un public assoiffé de sueur, sinon de sang, les acteurs des jeux du cirque moderne.

Le public, il est là, massé tout au long des vingt et un virages de l’Alpe d’Huez, tout au long des campagnes fleuries, des rivières qui glougloutent, des châteaux qui veillent.
Il attend.
Ils attendent.
Une jolie chute dans la vertigineuse descente de La Madeleine ou du Tourmalet, ils l’espèrent toujours.
Non, ils ne la souhaitent pas vraiment, mais, Tonnerre de Dieu ! Comme ça a de la gueule, un peloton répandu sur la chaussée, des hommes qui râlent, des vélos enchevêtrés, des guiboles et des coudes sanguinolents, des os qui craquent, non ?!

Surtout si ça permet au Maillot Jaune de changer d’épaules !

C’est la glorieuse incertitude du sport.
Rien n’est jamais écrit avant les Champs !
Souvenez vous du petit Ricain qui, en 1989, avait privé de sa victoire le prétentieux Fignon, l’intello du Tour, pour quelques secondes grappillées, après plus de trois mille km à faire chauffer les manivelles !
Il y croyait, le gaillard, à la plus haute marche du podium, aux bouquets offerts par des girls appétissantes et pas frileuses.
Il s’y voyait déjà, le mec.

Eh ben non. La victoire s’est fait la malle, à tire d’aile.

Cruelle désillusion pour Le Laurent, adulé par des ribambelles de soiffards en maillots de corps à trou-trous, dopés au rosé de Provence tiré de glacières bleues, postés sur les points stratégiques, "parce que là, on a le temps de les voir passer". On a tout loisir de les détailler, de lire la souffrance sur la gueule de ces jeunots qui triment, qui crachent leurs poumons, qui fricotent avec la crampe, le claquage, la trouille et le fossé.

Sans compter le Pot Belge, cette mixture du diable qui rend les bons meilleurs et qui tue les mauvais comme les autres.

Moi aussi, je pratique la bicyclette.
Pour le plaisir.
Pour la commodité du déplacement urbain.
Pour ne pas galérer au moment de parquer mon véhicule et pour ne pas alimenter les pompes à piécettes.
Pour me sentir libre, aérien, arachnéen (si madame, si monsieur !), pour étendre facilement le champs de mes investigations de baguenauder , pour jouir des parfums que Dame nature distille, pour prendre le temps de regarder le monde proche, tout proche, pour observer l’avancement de la saison, pour musarder en compagnie de la guêpe, du papillon, du martin-pêcheur et même parfois du chamois, pour approcher des bouquets d’origan ou d’asphodèles qui ont élu domicile sur les talus de par ici...

Dom, vélocipèdement vôtre...

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