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jeudi 29 mars 2012, par
Cette fois, c’est sûr : J’irai pas au paradis !
Et toc !
Vous allez me dire que c’était prévisible depuis bien longtemps…
Vous allez aussi me dire que j’avais peu de chance d’être appelé à la table des élus, le moment venu, pour me goinfrer de nectar, bercé par la céleste mélodie que des angelots joufflus souffleraient dans des trompes divines…
Vous allez encore me dire que le barbu suprême a déjà son lot de casse-pieds pistonnés à gérer, et que le nouveau venu, tout jovial qu’il soit, doit prendre la file d’attente, longue, interminable, semée d’embûches et que parfois, il en est de l’accession au royaume des cieux comme de celle à la caisse du supermarché : au moment où c’est ton tour, l’ange gardien et la caissière prennent leur pause.
C’est pas vraiment que j’espérais qu’on me trouverait là-haut une paire d’ailes à ma taille, avec la plume qui va bien, bon, faut pas être trop exigeant, mais quand même ! J’suis bien certain que parmi les locataires du jardin d’Eden, y a des fripouilles bien plus fripouilles que moi, des affreux du genre à faire de grands sourires par devant, et qui battent leur chien, leur âne ou leurs gosses dès qu’on tourne les talons…
J’dirai pas de noms…
J’mesurais bien que mon déficit en matière de courbettes, de rites, de Bondieuseries en tout genre avoisinait la profondeur du Gouffre de Padirac (moins 103 m), cependant j’ me disais que devant le tribunal ultime, je trouverais bien l’argument décisif et ses développements pour sauver ma tête et gagner au moins un strapontin de troisième classe dans l’omnibus Terre/Ciel, aller simple.
Je m’ bilais pas.
ERREUR ! ERREUR GROSSIERE !
C’était sans compter la bourde, le plantage, la connerie, la faute d’inattention, la perte brutale de self contrôle, c’était faire fi du Malin et de ses roueries : c’est qu’il a plus d’un tour dans son sac, le Cornu, pour gagner les âmes des plus naïfs ! Tu crois être à peu près bon pour une éternité suave, à peu de frais, simplement en misant sur ta bonne mine, et vlan, l’autre, il jaillit d’un nuage de soufre et il t’emporte sous son bras, pieds et poings liés, comme un vulgaire jambon d’Aoste.
Faut vraiment être plus con que la moyenne.
Si, si.
J’t’explique :
C’était l’autre dimanche (Il y a quelques années, maintenant). On avait proposé à notre fille d’être marraine du jeune Mathis. (2 ans et une tronche de bande dessinée.) Je devais assurer les photos (ça t’étonne ?). En fait, à y bien réfléchir, c’était manière de m’occuper l’esprit et les doigts, tout le monde sait bien dans la famille que des vieux anti-cléricaux comme moi abandonnés une heure durant dans une église sont un genre de bombe à retardement qui ne demande qu’à prendre de l’avance…
Mais j’avais promis, alors je travaillais, sobrement, efficacement, engrangeant les images, chargeant et déchargeant les boîtiers,
jonglant avec couleurs et noir & blanc, passant d’un flash à l’autre, cherchant des angles, bref, j’étais à mon affaire.
Et c’est alors que l’autre conne a commencé son festival !
Bon, je dis l’autre conne, mais j’exagère : elle ne faisait que son job de bignole, de sous-curaillonne, d’assistante de cérémonie, j’sais pas comment on appelle ces vieilles cathos toutes grises qui hantent les églises en croassant dès que les chasubles des abbés se mettent à tournicoter.
Celle-ci était particulièrement grise, mais elle ne croassait pas beaucoup.
C’était une sorte de chouette muette.
En revanche, elle tournicotait beaucoup. Trop. Et que j’te vais en avant, et que j’te vais en arrière, et que j’te me défile à droite, à gauche, d’une démarche qui te donne l’impression que les pieds ne touchent pas le sol, ça glisse en chuintant, les cuisses ne bougent pas ( !) les mollets non plus, doit n’y avoir que les nougats qui trottinent, façon Tom et Jerry, frrrrp, frrrrp, frrrrp !
Bon, moi, j’y faisais pas de cas : Je travaillais, que j’vous dis.
J’étais en contrebas de l’autel, en train de tailler un portrait de Mathis qui roulait de grands yeux pendant que le prêtre déroulait sa cérémonie en pensant au manche de gigot mayonnaise qui l’attendait : il était près de midi.
La chouette hululait paisiblement en ne pensant à rien, circulant entre l’autel et l’énorme cierge phallique planté sur une colonnette en carton-pâte.
Tout à coup, elle fait un écart, en marche arrière, pour éviter le jeune Mathis, que ces simagrées d’un autre âge commencent à gonfler – je me plais à l’imaginer, je me trompe peut-être – et, malheur, elle se prend le pied dans un creux entre l’estrade et le dallage, et perd l’équilibre !
Se sentant basculer dans l’inconnu, elle ne trouve rien de mieux pour se rattraper que de saisir de la main gauche le cierge allumé, qui vacille et distribue à l’entour sa cire brûlante, ruinant du même coup la robe d’une jeunette blonde qui supporte courageusement la morsure sans glapir !
Mais la Dame patronnesse n’est pas tirée d’affaire : elle va basculer et s’éclater la physionomie sur le carreau, quarante centimètres plus bas, à la renverse, jetant un froid sur la journée festive !
C’est le moment que choisit le Diable à la barbe pointue pour me faire entrer en scène, et annexer définitivement mon âme de pauvre pécheur : il m’a, à dessein, placé immédiatement derrière la Dame, en bas.
Dans la seconde, je la vois perdre pied. N’écoutant que mon courage (et les encouragements du Malin), je tends le bras et lui mets la main au cul d’une façon qu’elle n’a pas du connaître depuis l’arrivée au pouvoir du général De Gaule, en 1958, et hop ! je la rétablis et lui redonne l’assise qui sied à sa charge.
Voilà, sous couvert de sauver son col du fémur à une catéchèse barbue et folle de la messe (contrepèterie), j’ai perdu toute opportunité de béatitude éternelle !
Vous avouerez qu’il n’y a pas de justice, dans ce monde là !
De plus, elle ne m’a jamais rappelé, la garce.