Accueil > Textes > Le gamin de la rue de la Coste
jeudi 22 mars 2012, par
Un souvenir qui remonte à la surface, que je livre aujourd’hui en vrac :
Aurillac, une veille d’ouverture de festival, il y a huit ou dix ans.
Je musarde dans les ruelles afin de bien fixer dans mes circonvolutions cérébrales tortueuses et obscures les lieux où seront donnés les spectacles, ainsi que les passages et raccourcis que j’emprunterai, pour passer, ventre à terre, de l’un à l’autre, afin d’être là où il faut être, et au moment où il faut y être.
Cependant, je l’ignore encore, le spectacle commence en ce moment même, sous mes yeux ou presque.
Un mioche de cinq ou six ans tente – en vain – d’assaillir d’un container à poubelles bien trop haut pour ses courtes pattes. Il bondit, échoue, recommence, échoue de nouveau, pathétique. Il recommence encore avec l’obstination d’un jeune cabri, mais hélas sans sa détente fulgurante !
Quand il m’entend arriver, il s’approche et me dit :
« M’sieur, tu peux m’aider, j’ai fait tomber kèkchose dans la poubelle !? »
Je jette un coup d’œil dans le container, presque vide, à l’exception de deux ou trois sacs éventrés qui exhalent des relens de dessous de jupes de bonne sœur.
Le container est profond, je ne peux atteindre le trucs du gosse, même en étirant au maximum le bras. Je ne sais même pas de quoi il s’agit !
« Approche, petit, je vais te porter et tu chercheras toi-même. »
Je pose mon sac, saisis le gosse par les cuisses et je l’enfourne tête la première dans la gueule malodorante du bac.
Il s’empresse de fouiller dans son sac poubelle pour sauver son trésor.
L’opération me semble relativement rapide. J’ai cependant en un éclair le temps d’imaginer le pire :
« M’sieur l’agent, v’nez vite, y a là-bas, dans une ruelle déserte, un gros barbu qui se débarrasse du cadavre d’un enfant, dans une poubelle homologuée ! J’ai tout vu ; le gamin était inconscient, il ne se débattait pas, il ne criait pas !! Le gros avait l’air trop ordinaire pour être honnête ! J’vous fiche mon billet qu’il avait mangé le foie du gosse avant de le violer avec un manche de gigot ! V’nez vite, m’sieur l’agent ! »
J’te jure, j’ai eu le temps de me dérouler le film. Du coup, je me suis mis à guetter dans toutes les directions, comme un coupable.
J’étais résolu à lâcher le lardon à l’apparition du premier badaud en dérive !
Bon, le môme a repêché son truc, je l’ai reposé sur le bitume et ……personne n’est passé !
On a eu du bol.