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mardi 13 mars 2012, par
La scène se passe quelque part dans un village de la vallée d’Aoste. Nous sommes en février, il y a une vingtaine d’années. Nous rentrons d’un voyage éclair à Venise.
Il fait un froid redoutable. L’hiver et ses loups mugissent. Bêtes et hommes gèlent sur pieds.
Nous avions prévu de rouler toute la nuit, mais la fatigue accumulée durant le séjour vénitien a raison de nos projets. Et puis ... nous crevons de faim.
Je gare devant un hôtel. Il nous faut un repas chaud et une chambre tiède pour nous y écrouler.
Le pingouin de service nous drive jusqu’à la salle à manger ... merci ... je n’osais croire qu’on allait nous servir si tard !
Deux tables sont occupées. Deux couples.
Nous choisissons au hasard sur la carte des plats pour calmer la faim qui nous taraude. Nous ne comprenons pas un mot d’Italien.
Un peu de temps se passe.
Cette salle à manger est triste à pleurer, mais il y fait chaud, et la fatigue est si dense !
Femme et fille sont rapidement servies. Elles se régalent. Je salive.
Evidemment, je suis oublié. Et cependant, de mon estomac montent des suppliques qui ne devraient pas laisser le chef cuistot de marbre ! Je me tords le cou à chaque bruit de pas, espérant l’arrivée de n’importe qu’elle denrée comestible...
Enfin, le serveur arrive de l’office, une énorme assiette de pâtes odorantes à bout de bras. Il m’annonce le nom de la préparation. Je l’accueille avec un grand sourire.
Il pose l’assiette.
Je dégaine ma fourchette et j’attaque. Mes mandibules claquent de plaisir. J’ouvre une large brèche dans la montagne de pâtes. Je broie un quart de mètre cube de cette bonne pitance, les yeux à demi clos, concentré sur la sensation de bien-être qui m’inonde...
D’un seul coup, le serveur surgit, saisit mon assiette sans un mot et la dépose à la table voisine, sans se rendre compte que je l’ai entamée !
Ce blaireau s’était trompé de commande !