Œil de DOM
Se coucher tard nuit. Me lever matin m’atteint.

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Panique au Bunjin !

mardi 13 mars 2012, par Dominique Villy

C’est sûr, je suis maudit.

Le Diable m ’en veut.

Je sais pas ce que je lui ai fait, mais il m’en veut.

Si !

Tiens, l’autre jour, samedi, je rentrais d’un festival.

J’étais seul à la maison. Il y faisait une chaleur éprouvante.

J’ai toujours un peu de mal à me mettre un plafond au-dessus de la tête, lorsque je rentre d’une semaine de vie en plein air. Mais en plus, samedi, il faisait vraiement chaud.

Chaud de chez chaud.

Intenable.

Alors j’ai rempli à la hâte la machine à laver, j’ai vidé les cartes mémoire de l’appareil photo, j’ai pris une douche, changé de vêtements, et comme j’avais un concert prévu le soir même, j’ai mis mes partitions dans un sac et je suis ressorti aussitôt.

Un petit café à l’ombre d’une terrasse, en ville, me ferait le plus grand bien. J’en profiterais pour relire les textes en anglais qui me posent autant de problème qu’au premier jour, et je tuerais le temps jusqu’à l’heure de l’ultime répétition. Le concert devait avoir lieux au centre ville.

Au « Bunjin », il ne reste qu’une seule table. Elle est pour moi. Je m’en approche.

Deux jeunes femmes sont installées à la table voisine de celle que je convoite. Elles papotent, comme des copines qui sont contentes de passer un peu de temps ensemble. La vie est belle.

Je me dirige vers la table en lançant des regards aux alentours.

L’une de ces femme est merveilleusement belle ! On ne voit qu’elle ! Elle a la grâce. Un soupçon de je-ne-sais-quoi, une harmonie dans les traits, un regard, une texture de peau, une couleur de chevelure...rien de surfait ni de calculé, un naturel tranquille. La grâce !! Le genre de femme qu’on regarde à s’en faire péter les yeux.

Comme je ne veux pas passer pour le vieux pervers que je suis, je choisis le siège qui est situé à côté du sien, et non en face, et je n’aurai ainsi pas le regard attiré par elle en permanence, ce qui pourrait à la longue être franchement lourd pour tout le monde !

Je me faufile, je me pose...et immédiatement je SAIS que ça va pas aller !

Ma chaise se met à s’incliner, lentement, très lentement, inéxorablement, en direction de la Belle.

Ma chaise aurait-elle une âme, et l’entendement qui va avec ?

Ma chaise aurait-elle compris que j’ai livré un combat hors de portée contre la concupiscence ?

Ma chaise me fait basculer tout en douceur au plus près de la jeune beauté ! Ma chaise penche, elle penche, elle penche !

Dans un sursaut déspéré, je tente de reprendre le contrôle de la situation.

Niet.

Je penche, et puis c’est tout !

C’est très inconfortable. J’ai jusqu’à présent réussi à sauvegarder les apparences : je m’affale paisiblement, je vais certainement finir ma course dans les bras de celle que je tenais à préserver, mais je reste silencieux et curieusement détaché. Les pieds emmêlés dans les bretelles du sac à dos, que j’avais négligemment posé là, ne me sont pas d’un très grand soutien ; je peine à prendre appui, je verse, mais tellement lentement que je ne comprends pas ce qui se passe !

La copine se rend compte de la catastrophe imminente. Elle me fixe, interloquée.

Et moi, je penche.

Grand moment de solitude.

La Belle, intriguée par le regard de sa copine, prend conscience que quelque-chose se passe au moment précis où je saisis l’accoudoir de son siège pour tenter de me redresser !
Bernique !

Je me vautre dans ses bras. (Heureusement que j’ai pris ma douche du mois !)

Bon, j’y suis pas mal, dans ses bras...mais faudrait pas que je m’y attarde, hein ?!

Alors je commence à ramer :

  • pour lui expliquer que ma carcasse m’échappe complétement et que j’en suis désolé.
  • pour tout tenter pour éviter de lui briser trois côtes !

Et là, alors que la sueur perle à mon front, et que je jette des regards de bête aux abois tout à l’entours, je comprends en un éclair :

Une grille de soupirail en métal ajouré, fixée au pavé, dispense un peu de lumière dans un sous-sol humide et glauque. Dans cette grille, un trou du diamètre précis du pied de ma chaise est le seul coupable !

Le pied était posé exactement sur le trou au moment où j’ai posé ma charmante personne. Le pied s’est enfoncé très lentement, mais en force, et donc sans espoir de retour... La descente s’est faite en douceur... et une fois de plus, je me suis couvert de ridicule !

Heureusement, en plus d’être Belle, elle avait de l’humour !

© Dominique Villy juin 2009