Accueil > Textes > Partie de pêche
mardi 9 octobre 2012, par
Mon boulot consistait à remplacer au pied levé les instits de la circonscription malades : Le matin, je recevais un coup de fil au bureau, m’annonçant la mission du jour, de la semaine ou du mois.
Ce matin-là, Jeanine m’envoie prendre la classe de Mme X, à l’école B. Elle est souffrante et s’absente quelques jours.
Je n’aime pas l’école B.
Il y règne une ambiance détestable, orchestrée par un directeur prétentieux, surtout connu dans le milieu pour ses effets de longue écharpe blanche, qu’il porte quelle que soit la saison.
J’arrive avant l’heure. Évidemment, il n’est pas encore présent dans l’établissement. Il fait froid ce matin, il aura eu du mal à s’extirper de sa paillasse.
Dans la salle des profs, Mme X que je devais remplacer est bien là, elle, en pleine forme. Elle s’étonne de me voir.
Je retourne toquer à la porte du bureau directorial. Toujours personne... J’attends un peu. Je me méfie de l’individu Je préfère qu’il soit témoin direct de mon déplacement jusque dans ses murs.
Après dix minutes d’attente vaine, pris d’une inspiration subite, je retourne dans la salle des profs, pendant qu’ils y sont encore, et je claironne haut et fort que, puisqu’il n’y a pas de place pour moi ici, je vais aller me payer un peu de bon temps ; ça tombe bien, ma canne à pêche est en permanence rangée dans le coffre de ma voiture : je vais aller taquiner le goujon !
Et je file...
Pas à la pêche, bien sûr. Je suis certain que l’info que je viens de donner va « remonter » illico à ma hiérarchie...
Bingo !
J’ai assuré des remplacements pendant plus de trois décennies et c’est la SEULE fois que mon patron a vérifié mon emploi du temps !
J’étais à peine arrivé au bureau (10 minutes plus tard) qu’il me faisait appeler par sa secrétaire, sous un prétexte complètement fallacieux !
J’ai bien rigolé, mais on est quand même dans un monde d’enculés !