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mardi 14 avril 2020, par
Mardi 14 avril
Macron m’a tué.
Macron m’a lardé.
Macron m’a assassiné...à l’insu de son plein gré.
L’idée de ce journal de confinement, c’était de la blague. C’était une forfanterie, rien de plus. Je me disais que j’allais torcher deux ou trois pages, vite fait, sur le coin du zinc, gribouiller, raturer, cliquer pour expédier, et hop ! après moi le déluge.
Rien de prévu (j’pourrais être ministre, donc), rien d’organisé, (ministre de l’éducation peut être), pas de vue à long terme (ministre de la santé par exemple), pas d’objectifs (Ah ! Pas ministre des finances alors), si ce n’est prendre deux ou trois fois vingt minutes de plaisir en écrivant.
J’aime bien écrire, c’est mon péché mignon.
Écrire des petites choses, sans importance, sans enjeux.
Écrire une fois de temps en temps.
Écrire, ou plutôt jeter à la hâte sur le papier quelques considérations banales illustrant des thèmes aussi larges que galvaudés.
Écriture de base. Écriture sans base. Écriture au jugé, au pif, à l’instinct.
Bon, je ne suis pas maso. Je ne boude pas mon plaisir. Si mes lignes plaisent à quelqu’un, et si ce quelqu’un m’en fait état...je sens mon ego qui se retend un peu.
J’aime bien.
Mais ce n’est pas essentiel.
Ce qui me porte, c’est le moment où je sens le fil des mots sortir de mon stylo, de mon clavier sans que je doive intervenir. Ça file, ça coule, ça bave un peu parfois... Ça, c’est bon.
Ça ne supporte pas la contrainte. C’est du sauvage. Du brut de décoffrage. Ça vient si ça veut venir. Je ne suis pas un pro : la preuve : je pourrais être ministre !
Et voilà que, au fil des pages de ce journal, comment dire...je me prends au jeu.
Je me surprends, dès le matin, à gamberger, à réfléchir, à imaginer. Je cherche un angle. Un fil.
Un fil ténu.
Je cherche. Je ne note rien encore. Je stocke, en vrac, dans une petite boîte, dans un petit coin de mon cerveau. Je jongle. Moi, le pataud, je jongle avec quelques idées, en essayant de ne pas les laisser s’écraser dans la poussière du chemin.
Lorsque le moment est venu, je me précipite. Carnet, stylo, tablette, bouquins, bouteille d’eau sous le bras, je dévale mes 76 marches, je choisis une table ombragée dans notre jardin, je marque mon territoire et je me plonge dans l’écriture.
Rien ne me perturbera tant que la page ne sera pas à mon goût.
L’agasse qui criaille au-dessus de moi, je ne l’entends pas.
La voisine qui poursuit sa partie d’échec avec un partenaire absent mais relié à un téléphone qui crachote, je ne l’entends pas.
Le véhicule qui descend la rue, je ne l’entends pas.
Mon téléphone qui grince, je ne l’entends pas non plus.
Je ne suis plus que le ruban de mots qui défile sur l’écran de ma tablette.
J’écris.
J’écris sans souci du lendemain. C’est un gros travail, mais j’ai un CDD. Sous peu, ça sera fini. Sous peu, je bazarde carnets, tablette, place réservée dans le jardin, et je débarrasse vélo, cuissard et casque de leur couche de poussière. Une titte tiotte giclotte d’huile sur la chaîne, un ptit coup de pompe dans les pneus flasques après ces temps d’inertie et Hop ! À moi la vélo route, les creux, les bosses, les côtes, les précipices. Le prince de l’asphalte. L’Empereur de la course au long cours. Le Forçat volontaire des grands espaces, de l’air libre. Le Champion de la crampe au mollet avec un sourire constellé de moucherons suicidaires.
Dehors ! DEHOOOORS !!!!
Et là, Macron me tue.
11 mai....
Quatre semaines pour organiser mes obsèques.