Accueil > Textes > Journal de confinement > Journal de confinement, page 37...
mardi 5 mai 2020, par
Mardi 5 mai 2020
Alors, en fin de compte, le confinement, qu’est-ce qu’il faut en penser ?
Tu en arrives à ne plus rien savoir.
Le vrai ? Le faux ? Le raisonnable ? Le fantasme ?
Ce que tu te construis ?
Ce qu’on t’inocule ?
Tous les bulletins d’info ne tournent qu’autour des admissions dans les hôpitaux, dans les services de réanimation, et sont ponctués par la morne litanie du nombre de décès, ici, chez nous, et aussi chez les voisins.
Du matin au soir, et j’imagine du soir au matin.
Même si tu ne passes pas tout ton temps devant tes écrans, avec RTL en fond sonore, tu subis ce matraquage.
Tu subis l’angoisse générée et généralisée.
Tu sens la vague qui te submerge, lentement mais sûrement. L’asphyxie te serre la gorge. Ton souffle se fait rare. Une sueur aigre te poisse le front.
Quand tu oses sortir, tu ne croises personne, ou presque.
Où se terrent-ils, les autres ?
Où sont-ils, les gens, les copains, les voisins, ceux que tu côtoies et ceux que tu fuis d’habitude ?
Tu ne rencontres que des fantômes, des furtifs, qui t’évitent soigneusement, qui se garent, qui se serrent sur le bas côté. Certes, ils ont le "bonjour !" plus facile qu’il y à deux mois, mais tu les sens méfiants, fermés, verrouillés.
Le passant re regarde de travers.
Le passant te jauge.
Te juge.
Tu sens qu’il te pose son diagnostic sur le front :
"Covid, sujet à éviter".
Et il s’efface encore plus.
S’il avait un lance-flammes, tu serais si rôti immédiatement.
Sous les applaudissements du public.
Qu’est-ce qui va rester de cette triste période ?
De quoi seront faits les rapports entre les gens ?
Rejets ? Défiance ? Isolement ?
La mort en d’autres termes.
Une petite mort.
Une mort qui dure longtemps.
Une mort qui te frappe en pleine vie, mais qui ne t’emporte pas. Une mort qui te laisse sur ton bout de chemin, qui ne te laisse que des souvenirs.