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vendredi 13 novembre 2020, par
Hop ! Il est temps de s’y mettre. Pas de relâchement scrogneugneu.
Pas de trêve, 12 novembre ou pas.
Tu as commencé ce journal, tu poursuis, et pis c’est tout !
La pompe est difficile à amorcer aujourd’hui, et ben il faut y aller.
Se creuser le bulbe.
Faire suer le burnous.
Tirer la langue en mâchouillant le crayon.
Pfffff ! L’autre ! Il mâchouille son crayon !!! Pis quoi encore ?
Qui écrit encore au crayon ?
Qui connaît encore la différence entre un 4B et un 4H ?
Qui a encore une gomme sur le coin de sa table ?
Qui, à part des vieux crocodiles obsolètes comme nous, je veux dire toi et moi, qui écrit encore à la mine graphite ? Qui a encore à portée de main cette palette revêtue sur une face du morceau d’émeri qui permet d’affûter la mine fragile ?
Qui se souvient de la poudre noire produite avec, qui ruinait une jolie composition, une page lestement écrite ou les poignets blancs et raides de la chemise des dimanches, en moins de temps qu’il n’en fallait à une noix pour tomber d’un tabouret ? Qui ?
Peeeeeeersoooooonnnnne !
Ces temps-là sont révolus.
Ah ! Ne me dites pas qu’on n’écrit plus ?!
On n’a jamais autant écrit que maintenant.
Beaucoup de conneries. Beaucoup de méchancetés. Beaucoup d’exagérations, c’est tellement facile avec l’anonymat assuré des réseaux sociaux.
On écrit avec des claviers. Ça c’est une chance !
On ne se soucie plus du geste, du fil, du délié. On frappe les touches et le traitement de texte forme de jolis alignements de signes, de groupes de signes, de mots et parfois si on a de la chance, tout ça s’articule en phrases, en paragraphes.
Ça permet à ceux qui avaient la malchance de posséder une écriture de cochon de dépasser ce handicap douloureux.
Combien de mômes n’ont jamais persisté dans l’écriture parce que l’écart était trop sévère entre la production hésitante de leur poignet trop raide et le modèle inscrit au tableau noir ?
Fini, tout ça. La machine lisse le résultat. La machine fait du propre, du joli, du calibré.
Mais la machine ne peut pas tout.
Si tu as des trous d’air dans le cervelet, la machine ne les remplira pas d’intelligence.
Elle ne fera qu’aligner de jolis cacas normés, millimétrés, ineptes pour tout dire.
Ils sont le miel des réseaux.