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jeudi 19 novembre 2020, par
Confinement. Seconde phase.
Jeudi 19 novembre 2020.
La Dame prend un réel plaisir à farfouiller dans les rares boutiques encore ouvertes pour trouver la nippe, la fringue de bébé qui ira bien : les hivers sont rudes à Berlin, faudrait quand même pas que la descendance souffre du climat venteux et humide du nord de l’Allemagne !
Je m’inscris complètement dans ce schéma, bien entendu.
Digression 1 : quand tu es dans le plan « recherche de petits vêtement de zéro à six mois », tu trouves.
C’est bien.
Si tu en profites pour chercher quelques caleçons en taille adulte... tu ne trouves pas.
Rayon fermé.
Covid ne passera pas par tes moule bite ! (Pas de « s » : moule est un verbe, et je n’ai qu’une bite).
Digression 2 : Je pestais in petto, jusqu’à ce matin, chaque fois que je croisais un vieux laissant sortir son pif du masque ; je l’imaginais avec la bite en dehors du caleçon, et ça me fichait en rage.
Mea culpa.
Toutes mes excuses à ceux que j’ai insultés dans mes colères rentrées : peut-être le rat a-t-il rongé leur dernier sous-vêtement, et, pandémie oblige, peut-être n’en trouvent-ils pas en remplacement ?
Fin des digressions.
Dame achète donc. Et pose les achats sur le fauteuil, comme autant de trophées, pour s’en régaler l’œil, avant expédition.
Et moi, je me régale à emballer les p’tites choses.
« - Attends, je vais retirer les étiquettes ! »
Ciseaux, cutter. Hop !
Alors j’entre en scène.
Petit papier doux.
Doublure plastique, scellée, étanche, pliée et repliée, scotchée.
Seulement deux articles par pochette.
La pile de pochettes dodues grandit.
Ma sortie de ce matin, ce sera la poste.
Choix d’un carton, avec la postière émue, qui fond en regardant les petits bonnets, bodys et pyjamas.
« - Prenez plutôt celui-ci, il est à peine plus large. Les petits cadeaux arriveront bien pliés.
Ok. À vos ordres ».
Elle ferme le paquet pendant que je remplis la fiche. Elle le pose sur sa balance. Une sonnerie agaçante retentit.
« - Ah ! Vous avez certainement oublié de retirer un antivol !
Ben ! Qu’est-ce qu’il faut faire ?
Vous allez le rouvrir. Si le carton se déchire, je vous en donnerai un autre. On peut pas laisser ça en m’étant.
Bon. »
Elle se montre très concernée, la petite dame.
Je lui emprunte ses ciseaux et j’entreprends d’ouvrir l’emballage sans le déchiqueter. La sueur commence à me ruisseler entre les omoplates.
J’étouffe à grand peine une bordée de jurons que la décence m’interdit de verbaliser ici. Je sens les abeilles qui m’envahissent.
Marre ! Chier ! Con !
Les petites pochettes amoureusement scellées, je les étripe, à la recherche de cette saloperie d’antivol.
Caché dans un petit bonnet, qu’il est.
Verminerie de truc du Diable !
La postière me considère.
Soit elle m’abandonne à mon sort, et je risque de tomber raide mort dans son bureau. Ça ferait désordre.
Soit elle prend le contrôle sur la situation.
« - Allez-y, m’sieur, tout va bien aller. Je me charge de refermer votre colis. Les bonnets, vous les enverrez une autre fois. Vous me devez douze euros, emballage compris. »
Je saisis la bouée de secours, je frappe mon code de CB à en éclater le terminal et je file prendre une bolée d’air frais...